La fin de l’année 2023 approchant, la poussière semble peu à peu retomber après les vives discussions ayant eu lieu au cours de l’élaboration du projet de loi de finances 2024 (PLF 2024), et notamment sur sa partie recettes, dans laquelle étaient inclus des passages portant sur la fiscalité de la location meublée et plus particulièrement sur la fiscalité des meublés de tourisme. Après une période d’incertitude, les propriétaires-bailleurs de logement meublés peuvent commencer à se pencher sur les dispositions contenues dans le PLF 2024 à la suite de son nouveau passage devant l’Assemblée nationale, à l’occasion duquel le gouvernement a, à nouveau, eu recours à l’article 49-3. Le texte du PLF 2024 est donc entré dans sa dernière phase depuis le 19 décembre, et les dispositions qu’il contient ne devraient plus faire l’objet de changements d’ici le 31 décembre 2023, date limite à laquelle le PLF doit être adopté dans sa version finale.
Après une première lecture à l’Assemblée nationale dans le courant du mois d’octobre marquée par le recours à l’article 49-3 de la Constitution, le texte était parvenu au Sénat fin novembre.
Or, c’est ce passage devant les sénateurs qui avait eu le plus de conséquences sur la fiscalité de la location meublée, puisque les amendements adoptés concernaient l’ensemble des meublés de tourisme et étaient beaucoup plus désavantageux (par rapport à ceux fixés par l’Assemblée nationale) quant aux seuils et abattements applicables au régime micro-BIC mais aussi en matière de TVA.
Il restait toutefois aux députés la mission de se pencher à nouveau sur le texte du PLF 2024. Ce nouveau texte a toutefois également fait l’objet d’un recours au 49-3, qui conserve, parfois de manière surprenante, certains amendements discutés au Sénat, notamment ceux concernant les évolutions du régime micro-BIC.
Alors même que le gouvernement semblait ne pas vouloir s’attaquer trop fortement au régime micro-BIC, un « oubli » lors de la nouvelle utilisation du 49-3 en a décidé autrement.
En effet, après avoir proposé une version initiale ne mentionnant pas la fiscalité de la location meublée non professionnelle (LMNP) et professionnelle (LMP), des amendements proposés à l’Assemblée nationale en première lecture puis par le Sénat ont ciblé plus durement ce régime.
Or, le volet recettes du PLF 2024 sur lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité conserve, apparemment par erreur, la rédaction d’un article introduit lors de la première lecture au Sénat et qui réduit considérablement les avantages fiscaux pour la location meublée touristique.
En vertu de la nouvelle rédaction du PLF, qui porte modification de l’article 50 du Code Général des Impôts (CGI), le seuil maximum d’application du régime micro-BIC pour toutes les locations touristiques tomberait à 15 000 €, là où il était précédemment de 77 700 € pour les meublés de tourisme non classés, et de 188 700 € pour les meublés de tourisme classés !
Par comparaison, le PLF adopté en première lecture par l’Assemblée nationale après recours au 49-3 par Elisabeth Borne, ne modifiait pas ce seuil pour les meublés de tourisme non classés (77 700 €), mais le portait à 50 000 € pour les meublés de tourisme classés hors zone tendue (jusqu’à présent 188 700 €), et à 77 700 € pour les meublés de tourisme classés en zone tendue (jusqu’à présent 188 700 €).
Initialement au régime micro-BIC, les abattements étaient de 50% pour les meublés de tourisme non classés, et de 71% pour les meublés de tourisme classés.
Le PLF 2024 dans sa version transmise au Sénat le 23 novembre, ne venait que réduire l’abattement pour les meublés de tourisme classés situés en zone tendue, qui passait de 71% à 50%. Mais les sénateurs ont apporté des changements bien plus importants, avec une réduction de l’abattement à 30% pour tous les meublés de tourisme.
Pour les meublés de tourisme classés situés hors zone tendue, l’abattement connaitrait une diminution moins importante, passant de 71% à 51%. Toutefois, cet abattement pourrait être pratiqué uniquement si les revenus générés par un propriétaire-bailleur pour l’ensemble de ses locations meublées (longue durée, de tourisme classé ou non, etc.) ne dépassent pas 15 000 €. Dans le cas où l’ensemble de ces revenus dépasserait cette somme, c’est l’abattement de 30% qui serait appliqué, dans la limite de 15 000 € de recettes générées par les meublés de tourisme classés situés hors zone tendue.
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Pour résumer ces changements, vous pouvez vous reporter à notre tableau comparatif ci-dessous :
|
Abattement |
Seuil |
||
|
Avant |
Après |
Avant |
Après |
Chambres d'hôtes |
71% |
71% |
188 700 |
188 700 |
Meublé longue durée |
50% |
50% |
77 700 |
77 700 |
Meublé de tourisme non classé |
50% |
30% |
77 700 |
15 000 |
Meublé de tourisme classé hors zone tendue* |
71% |
71%* |
188 700 |
188 700 |
Meublé de tourisme classé en zone tendue |
71% |
71% |
188 700 |
188 700 |
* Si les revenus de l'ENSEMBLE des locations meublées (de tourisme ou non) ne dépassent pas 15 000 € au cours de l'année civile précédente, l'abattement se porte à 92%.
Cette diminution de 20% de l’abattement pourrait faire grimper l’imposition des loueurs en meublé de tourisme encore au régime micro-BIC de près de 40% l’année suivante !
Pour vous aider à vous y retrouver, voici un exemple chiffré de l’impact fiscal des changements apportés par la loi de finances 2024.
Prenons le cas d’une propriétaire qui a acheté un bien immobilier d’une valeur de 200 000 € à Lozanne dans la région lyonnaise :
Simulons à présent l’évolution de l’imposition de cette propriétaire au régime micro-BIC, avant et après le changement fiscal opéré par la loi de finances 2024 :
Impact de la loi sur l’imposition de la propriétaire au Micro-BIC :
Euros | Avant la LF 2024 | Après la LF 2024 | Différence |
Recettes locatives (A) | 12 000 | 12 000 | 0 |
Abattement forfaitaire (B) | 50 % | 30 % | - 20 % |
Résultat imposable (C = A x (1-B)) |
6 000 | 8 400 |
+2.400 (soit 40%) |
Taux marginal d'imposition (D) | 30 % | 30 % | |
Prélèvements sociaux (E) | 17.2 % | 17.2 % | |
Impôts + PS (F = D + E) | 47.2 % | 47.2 % | |
Impôts + PS (G = D x F) |
2 832 | 3 965 |
+ 1 133 (soit 40%) |
Si le résultat imposable subit donc une augmentation de 40%, qui entraine une augmentation de ses impôts et prélèvements sociaux de 2 832€ à 3 965€.
Qu'est-ce que cela représenterait en termes de rentabilité pour ce même logement ?
Simulation de l’impact de la loi sur la rentabilité du bien meublé
Euros | Avant la PL 1176 | Après la PL 1176 | Différence |
Recettes locatives (A) | 12 000 | 12 000 | 0 |
Energie, eau, internet | -1 100 | -1 100 | 0 |
Assurances | -400 | -400 | 0 |
Equipements et entretien | -1 400 | -1 400 | 0 |
Frais d'agence | -2 400 | -2 400 | 0 |
Intérêts d'emprunts | -800 | -800 | 0 |
Résultat avant impôts (G) | 5 900 | 5 900 | 0 |
Impôts + PS (H) | -2 832 | -3 965 | -1 133 (soit 40 %) |
Résultats après impôts (I = H + G) | 3 068 | 1 935 | -1 133 (soit -36.9 %) |
Valeur d'achat du bien (J) | 200 000 | 200 000 | |
Rentabilité nette (I / J) | 1.5 % | 1 % | -0.5% |
On voit dans cet exemple qu’avec la diminution de l'abattement forfaitaire du Micro-BIC, la rentabilité locative nette annuelle, soit l’argent qu’il restera pour le bailleur à la fin de l’année, baissera de 1,5% à 1,0%, soit presque 33% de moins.
L'option du réel en meublé de tourisme serait-elle une alternative avantageuse ?
Le régime réel BIC est une alternative à laquelle les propriétaires pourront ou devront recourir en fonction de leur situation.
L’option pour le réel est un droit pour tout loueur en meublé (et contribuable par ailleurs). Elle permet d’être imposé sur le vrai résultat de l'activité de location meublée dans une année fiscale. Dans l’exemple précèdent, l’imposition et les prélèvements sociaux se feraient sur la base du vrai résultat avant impôts, soit 5 900€ (lettre « H » dans le deuxième tableau) vs 8 400€ (lettre «C » dans le premier tableau). En conséquence, un résultat fiscal plus bas signifie une imposition plus basse.
Bon à savoir :
La location meublée étant considérée fiscalement comme une activité commerciale, donc imposable dans la catégorie des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC), il est possible d’amortir la valeur du logement au régime réel. Cela permet de réduire le résultat fiscal de l’activité de location meublée. Dans l’exemple précèdent, cela veut dire que le résultat imposable de l’activité de location meublée serait de 5 900€ moins l’amortissement de la valeur du bien immobilier, soit approximativement 5 550€ la première année après achat du logement. Cet avantage permet de réduire le résultat imposable à 400€, ce qui engendrerait un impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux à hauteur de 189 €.
Ce mécanisme rend, dans 85% des cas, le régime réel plus intéressant que le régime micro-BIC.
La fiscalité applicable à la location des meublés de tourisme dans les zones tendues sera probablement également remise en cause dans le courant de l’année, dans le cadre de la proposition de loi n°1176. Les dernières discussions ont eu lieu le 29 janvier dernier, et vous pouvez consulter le résumé des derniers changements en consultant notre article dédié sur les changements de fiscalité pour la location meublée (PPL1176).
C’est le moment d’anticiper votre fiscalité et de réfléchir plus sérieusement au régime réel BIC pour votre activité de location meublée. Plus de 30% des loueurs en meublés bénéficient déjà de ce régime d’imposition avantageux.
Proposée par le Sénat, l’idée d’aligner le régime de la TVA des locations saisonnières avec celle des établissements hôteliers, est rejetée par le gouvernement, qui a fait adopter un amendement visant à revenir au texte initial.
Les amendements retenus dans le cadre du PLF 2024 viennent également allonger la durée des dispositifs d’exonération en cas de location de sa résidence principale jusqu’en 2026. Pour rappel, ces exonérations visent :
Tous les Loueurs en Meublé Non Professionnels seront-ils impactés par le PLF 2024 ? À partir de quel moment leur fiscalité changera-t-elle ?
La loi de Finances est une loi majeure qui impacte toutes les personnes fiscalisées en France, elle n’est pas spécifique aux loueurs en meublé. Les amendements adoptés (par l’Assemblée nationale ou le Sénat), concernent uniquement les meublés touristiques (dont la location de type Airbnb). Le PLF 2024 ne prévoit aucun changement de fiscalité pour la location meublée longue durée.
Si vous avez perçu des revenus LMNP tout au long de l’année 2023, que vous allez déclarer en 2024, vous ne serez pas impacté par la loi. En effet, si elle est promulguée dans son état actuel, elle devrait concerner l’imposition des revenus 2024 déclarés en 2025.
Si vous dépassez les nouveaux seuils du régime micro-BIC applicables aux meublés de tourisme en 2024, vous basculeriez obligatoirement au régime réel. Aussi, il se peut que ce passage au régime réel forcé soit une bonne nouvelle et vous donne l’opportunité de réaliser des économies d’impôts pour chaque année de revenus tirés de la location meublée.
En résumé, la dynamique initiée au début de l’année 2023 par le biais du projet de loi n°1176, dite « loi anti-Airbnb » (voir notre article dédié ici), s’est étendue au PLF 2024 et a fini par toucher, plus durement que prévu, les loueurs en meublé de tourisme, qui risquent de voir leurs impôts en location saisonnière bondir de 40% s’ils conservent leur régime micro-BIC.
Ces évolutions doivent toutefois continuer à être scrutées de près, car le PL n°1176, dont la nouvelle discussion est prévue en début d’année 2024 (le 29 janvier), pourrait à nouveau réserver quelques surprises aux loueurs en meublé, tout en donnant l’occasion au gouvernement de réparer son « oubli ».
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Article rédigé par Baptiste BOCHART